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Malgré la ratification par la Suisse, en 2014, de la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées, CDPH, la participation politique des personnes en situation de handicap reste jusqu’à ce jour limitée ou impossible. Les parlementaires de la session des personnes handicapées du 24 mars 2023 entendent faire en sorte que cela change.

C’est avec passion que les parlementaires ont présenté leurs points de vue et souligné à quel point il est important de faire de la politique non pas sans eux, mais avec eux. Les 44 parlementaires en situation de handicap demandent la pleine et égale participation à la vie politique: «Nous faisons de la politique maintenant, pas demain!» Or, la Suisse en est encore loin.

Où se situent les obstacles ?
Les obstacles qui empêchent l’accès à la vie politique sont multiples.

·        «Les personnes placées sous curatelle de portée générale sont privées de leur droit de voter et d’élire», dit Fabian Putzing, directeur d’insieme Suisse. «Il faut modifier la Constitution afin de permettre à toutes et à tous d’exercer leur droit de vote et d’élection.»

·        «Les personnes fortement handicapées de la vue et entièrement aveugles ne peuvent pas lire les documents d’élection et de vote. L'automne dernier, le Parlement a adopté un projet visant à développer des gabarits de vote au niveau fédéral», explique Luana Schena, membre du comité de la Fédération suisse des aveugles et malvoyants (FSA). Cette solution fait encore défaut au niveau cantonal et communal. À cela s'ajoute le fait que les gabarits compliquent le cumul et le panachage lors des élections.

·        Simone Leuenberger, députée au Grand Conseil du canton de Berne et membre de la commission préparatoire, fait le constat suivant: «Les obstacles dans les transports publics et les immeubles ainsi que le manque de places de stationnement et de toilettes pour personnes handicapées empêchent les personnes ayant des handicaps physiques de s’engager en politique.»

·        «Bon nombre d’informations n’étant disponibles ni en langue des signes ni sous forme sous-titrée sont de ce fait inaccessibles aux personnes sourdes», signale le parlementaire Andreas Janner.   

 

Droit à l’inclusion également dans le domaine politique
Selon l’art. 29 CDPH, les personnes en situation de handicap ont le droit de participer, sur la base de l’égalité avec les autres, à la politique internationale, nationale, cantonale et communale. Cela inclut le droit de voter, d’élire et d’exercer un mandat politique. À cette fin, les obstacles rencontrés par les personnes en situation de handicap doivent être éliminés. Il convient en outre d’associer activement les personnes en situation de handicap aux processus politiques et de prendre en compte leurs revendications.

Il existe de multiples moyens à différents échelons pouvant contribuer à l’élimination des obstacles. Par exemple le langage simplifié. «Ce moyen est essentiel aux personnes ayant des handicaps cognitifs pour s’informer au sujet des votations et des élections», explique Fabian Putzing.

Luana Schena plaide en outre en faveur d’un système de vote électronique qui permet aux personnes malvoyantes et aveugles de voter et d’élire de manière autonome.

Nathalie Anderegg de Radio loco-motivo des deux Bâle constate quant à elle qu’il est nécessaire d’agir au sujet des handicaps psychiques et demande aux politiques de faire preuve de davantage de souplesse. «Les personnes ayant des handicaps psychiques doivent se voir offrir la possibilité de participer à une séance ou à un événement via Zoom si leur état psychique les empêche d’être présentes sur place.»

Pour les personnes sourdes, l’appel aux services d’interprètes en langue des signes est essentiel à leur participation sociale et politique. C’est pourquoi Andreas Janner s’engage afin que le financement de ces services soit clarifié et réglé dans la loi.

« Nous sommes une minorité qu’il faut prendre au sérieux »

Simone Leuenberger, députée au Grand Conseil bernois

Sous-représentation politique
À ce jour, seules quelques rares personnalités politiques en situation de handicap ont réussi leur entrée dans un parlement. Christian Lohr (Le Centre) est le seul politicien fédéral en situation de handicap à siéger au Conseil national. Selon l’Office fédéral de la statistique OFS, plus de 20% de la population suisse vit avec un handicap. Les 44 sièges occupés durant la Session des personnes handicapées visaient à montrer quelle serait une représentation adéquate des personnes handicapées au Conseil national. «Nous sommes une minorité qu’il faut prendre au sérieux», rappelle la députée au Grand Conseil bernois S. Leuenberger.  

Évolution hésitante
L’évolution vers une société sans barrières s’avère lente et hésitante. «Cela fait pourtant 20 ans que nous disposons d’une loi sur l’égalité des personnes handicapées. Or vu que cette loi ne garantit pas la libre accessibilité, elle doit être rendue plus efficace», dit S. Leuenberger en insistant sur l’objectif d’une politique inclusive. Le Comité de l’ONU lui donne raison. Dans son rapport de 2022, il relève en effet 80 points que la Suisse est appelée à améliorer. Il critique également le manque de prise en compte des personnes handicapées dans les processus de décision politique, ainsi que des thématiques qui les concernent. Pour que cela change, il faudrait prévoir les ressources nécessaires, entre autres financières.

Après la session des personnes handicapées, la continuité
La première session des personnes handicapées est à marquer d’une pierre blanche dans la politique suisse en faveur des personnes en situation de handicap. La résolution exige l’élimination de tous les obstacles afin de permettre aux personnes handicapées de participer pleinement à la vie politique, à quelque échelon que ce soit. Mais ce n’est pas tout. Christian Lohr, conseiller national et président de la session des personnes handicapées, a annoncé la tenue d’une seconde session. D’autre part, plusieurs personnes en situation de handicap ont lancé leur candidature en vue des élections au Conseil national prévues cet automne.